RESURRECTION 5 (Juin 1957) : LE SENTIMENT RELIGIEUX
64 pages
SOMMAIRE
Editorial : Faut-il tuer le sentiment religieux ?
Pages 1 à 2
Jean DAUJAT
Georges Duhamel devant notre foi
Pages 3 à 12
Michel DUHAMEL
La Palestine et le Père de Foucauld
Pages 13 à 26
Pierre MOUCHEL
Aller à Dieu en chansons ?
Pages 27 à 36
Robert FULLOT
L’amitié de Dieu d’abord
Pages 37 à 42
Jean-Marie LE BLOND, s.j.
Philosophie de la création et métaphysique de la générosité
Pages 43 à 55
DOSSIERS
Livres à lire
Pages 56 à 62
Un an après…
Pages 63 à 64
Garanties sécurité
Faut-il tuer le sentiment religieux ?
On ne peut esquiver la question : quelle est la valeur du sentiment dans le domaine religieux ? Comment un homme qui, par la foi, a fait remise de toute son existence à Dieu ne chercherait-il as à éprouver sa présence jusque dans sa sensibilité et retrouver ce contact immédiat, cette évidence dont notre être est assoiffé ? Pour beaucoup c’est sa répercussion au niveau de notre affectivité qui mesure l’authenticité de notre rencontre avec Dieu. Et ils iront jusqu’à refuser de croire à son existence si l’effet qu’ils en attendaient ne se produit pas, s’ils ne ressentent rien alors qu’ils orientent leur pensée vers Lui. Jean Daujat étudie le cas d’un de leurs porte-parole les plus lucides, Georges Duhamel, et montre comment ce préjugé, cette idée à priori de la foi, contraire à la pensée de l’Eglise, est ruineuse pour toute l’expérience spirituelle qu’elle limite singulièrement à des dimensions strictement humaines. Nos rapports avec Dieu ne sauraient être réduits aux variations de notre sensibilité.
Mais, pour autant, il ne faudrait pas évacuer de la démarche religieuse toute part de l’affectivité. C’est le témoignage des plus grands des chrétiens qui nous y invite, celui par exemple d’un Père de Foucauld dont l’évolution spirituelle serait incompréhensible si l’on ne tenait pas compte de cet amour très simple qui allait jusqu’à se porter aux lieux où avait vécu son bien-aimé Maître et Seigneur, à la façon dont l’amant revient toujours au cadre dans lequel son amour s’est développé. Les textes rassemblés et présentés par Michel Duhamel en fournissent la preuve.
Prenant parti dans les discussions dont les chansons du R. P. Duval font actuellement l’objet, Pierre Mouchel justifie cette attitude de familiarité avec le Christ que le style de ses chansons rend plus provocante mais qui est substantiellement la même que celle que vivait l’ermite de Tamanrasset. Il s’agit là d’une attitude qui est scandale pour l’intelligence humaine et dont la clé n’est donnée qu’à ceux qui acceptent l’étonnante Bonne Nouvelle, Dieu nous aime. Elle est celle de tous les auteurs inspirés et il n’y a rien de paradoxal à la proposer à l’homme du XX° siècle.
Robert Fullot montre le rapport qui unit cet amour de Dieu qui pourrait équivalemment se dénommer amitié, affection respectueuse mais tendre, et les liens fraternels qui doivent s’établir entre le chrétien et tous ceux qui l’entourent. Un ordre existe entre eux et les recherches spirituelles modernes risquent de le bouleverser, déplaçant le centre de gravité de l’existence chrétienne et le réduisant à l’humain. Plus que jamais il importe donc d’être lucide et de garder conscience claire de ce qui est le premier de nos amours.
L’article de J.-M. Le Blond nous situe dans une autre atmosphère, en apparence moins proche des problèmes spirituels quotidiens. Analysant avec une très grande clarté l’affirmation de la création, il nous en montre la plénitude de signification et comment elle peut conduire à la reconnaissance de l’existence de Dieu par la raison. Cette démarche de l’intelligence que l’Eglise déclare possible, valable nous apparaît souvent difficile ; décrite ici en termes modernes, elle se découvre à nous beaucoup plus riche spirituellement que nous n’étions accoutumés à la considérer et fondant notre quête de Dieu sur une assise plus robuste qu’une émotion passagère ou une inquiétude et un besoin de réconfort.
La préparation d’un important numéro qui exposera ce qu’on entend par théologie des laïques, apostolat et fonction propre des laïques dans l’Eglise, nous empêche de joindre à ces articles l’ensemble des chroniques et dossiers habituels : nous nous en excusons auprès de nos lecteurs. La place que ce problème occupe actuellement dans le catholicisme occidental méritait cette préférence et nous espérons que l’on ne nous en tiendra s rigueur.